Défis numériques des territoires ruraux en Grande Région

Conférence – 7 juin 2016 – Bastogne (B) – Défis numériques et territoires ruraux : infrastructures et usages

Regards croisés en Grande Région

Exemplaires de créativité et riche d’échanges sur l’avenir numérique des territoires ruraux, cette conférence était organisée par Ruralité-Environnement-Développement dans le cadre d’une initiative de l’Institut de la Grande Région.

La conférence a évoqué, en matinée, le déploiement des infrastructures, par où passe le carburant du futur développement local ; l’après-midi a été consacrée aux usages du numérique et à ses nombreuses retombées.

Le très haut débit pour tous ! Un objectif à atteindre pour demain

Les débats ont conforté le rôle essentiel joué par le numérique dans le développement des territoires ruraux. Sans couverture de téléphonie mobile de qualité et connexion internet très haut débit (THD), les territoires ruraux sont condamnés à rester en dehors de la révolution en marche, ce qui renforcerait la fracture territoriale et leur marginalisation. Le numérique bouleverse, non seulement, les relations économiques, professionnelles et sociales mais également la relation au temps. Néanmoins, la valorisation des potentiels locaux sont tributaires du déploiement des infrastructures, elles-mêmes soumises à des stratégies européenne, nationales ou régionales comme l’ont expliqué le Dr Henkel, représentant de la DG Connect de la Commission européenne et Sébastien Legat, expert numérique au cabinet du Ministre Jean-Claude Marcourt.

Au niveau européen, l’objectif est qu’à l’horizon 2020, une connexion supérieure à 30MB/s soit opérationnelle partout en Europe, en ce compris les territoires ruraux ou isolés. Pour atteindre cet objectif, des outils sont mis en place sur le plan  législatif (Directive 2014/61/UE du 15 mai 2014 relative aux mesures visant à réduire le coût de déploiement des réseaux THD) et financier (aides à l’investissement). Chaque pays doit donc transférer la Directive dans sa législation et construire des projets en cofinancement. En Wallonie, certains aspects relèvent du pouvoir fédéral et d’autre du pouvoir régional. Ainsi la Wallonie préconise un développement de son territoire grâce au numérique, comme en témoigne le plan « Digital Wallonia ». Il vise quatre axes en particulier : assurer une cohérence d’ensemble au travers d’une structure de coordination où tous les acteurs seront représentés ; faciliter l’accès au THD pour les entreprises installées dans les zonings ; cartographier les zones blanches et faire de leur couverture une priorité ; faciliter l’accès des écoles et des Espaces Publics Numériques au THD. Ces objectifs nécessitent évidemment une coordination entre tous les acteurs publics et privés, une mutualisation des équipements et un cadre réglementaire fiable.

Poursuivre le déploiement avec une vision à long terme

En Région Grand-Est, le Conseil Economique, Social et Environnemental a mené une réflexion sur les enjeux et les opportunités du numérique. Son rapporteur, Philippe Buron-Pilâtre, a présenté quelques recommandations : recenser les PME et les accompagner dans leur adaptation au numérique par une mise en réseau; accompagner l’innovation et la création de projets numériques ; soutenir la formation ; créer un système d’échanges sur le plan transfrontalier.

La table ronde associant des représentants des entités territoriales de la Grande Région a montré qu’il existe des disparités significatives au sein de la Grande Région en termes de desserte THD. Ainsi le Grand-duché de Luxembourg ou la Sarre sont en pointe sur la qualité et la couverture du réseau. Il a été souligné à plusieurs reprises combien les volumes échangés et leur importance économique ou sociétale évoluent très rapidement : les infrastructures doivent suivre ces évolutions et il y a urgence à poursuivre les investissements avec une vision à long terme. Le représentant des opérateurs belges de téléphonie mobile a par ailleurs cité certains freins au déploiement des infrastructures comme la taxe portant sur les « pylônes » de mobilophonie en Wallonie, le délai pour l’obtention des permis de construire ou encore le manque de coordination sur le plan local pour la réalisation de pose de câbles (loi impétrants).

Sur le plan transfrontalier, un des objectifs essentiels est le développement de réseaux de mobilophonie « sans couture » et donc sans coupure aux frontières.

Le numérique, vecteur d’inclusion sociale

En milieu rural, l’accès aux réseaux numériques s’inscrit, plus qu’ailleurs encore, comme un vecteur d’inclusion sociale. Ce thème a été plus largement traité lors de l’après-midi avec une introduction de Marc Laget du Commissariat Général à l’Egalité des territoires (F). En tant que « nouvelle matière première », le très haut débit est une réponse à plusieurs enjeux des territoires ruraux : mobilité, développement économique, développement durable, échanges et opérations concrètes dans des domaines diversifiés. Les territoires ruraux doivent tirer profil de la quintessence du numérique pour permettre à ses acteurs d’avancer et s’approprier les outils en capitalisant sur des logiques collectives. Ainsi ils deviendront des territoires intelligents. Le rôle des Universités et Instituts de recherche est évidemment très important dans ce contexte.

Innover et collaborer pour avancer

L’Université de Lorraine est active dans les territoires au travers de son Laboratoire ERPI (Équipe de Recherche sur les Processus Innovatifs). Celui-ci travaille sur les processus innovants en s’appuyant sur son Living Lab et son Fab Lab. Ces outils permettent d’expérimenter des processus collaboratifs d’échange et de dialogue, créateurs de valeur. Un exemple concret est conduit à Dieuze, bourg de 1500 habitants où la fermeture d’une entreprise et de la caserne a poussé les responsables locaux à s’interroger sur le développement de la localité. D’un diagnostic et d’une analyse des besoins, est né un « pôle d’innovations technologiques » qui vise à implanter une plateforme collaborative d’appui aux innovations « Technologies et services ». Ce pôle d’innovation s’accompagne d’activités industrielles et de services dédiés aux filières territoriales d’innovation et vise à faire de la ville un territoire « smart» d’excellence pour la valorisation à haute valeur ajoutée de ses productions et services innovants. Un des bâtiments de la caserne est aujourd’hui investi par la société Open Edge, concepteur d’imprimante 3D, qui en s’implantant en milieu rural a trouvé une territoire de qualité pour innover.

Activité structurante des territoires ruraux, l’agriculture est un secteur également très concerné par les nouvelles technologies, déjà très présentes dans les fermes. Elles « débarquent » en soutien aux activités de culture ou d’élevage mais aussi au travers des formalités administratives imposées, entre autres, par la PAC. L’Inspecteur général au Service Public de Wallonie, Alain Istasse, a bien montré combien sans liaison THD, remplir ses obligations administratives de plus en plus numérisées devient une gageure.

Le dernier cas concret s’inspirait de la stratégie Leader 2014-2020 du Pays de Verdun, entièrement tournée vers le numérique comme levier de développement économique et facteur d’inclusion sociale. Quatre grands axes sont à la base de cette stratégie : montée massive de la compétence numérique, modernisation des activités-clés de l’économie, mise en réseaux des acteurs et un volet communication.

Les comportements changent et l’innovation passe aujourd’hui par le partage et la collaboration qui apportent une valeur ajoutée. Les territoires ruraux sont des espaces riches d’un tissu économique composé de PME et d’artisanats, de centre de formations et de richesse à fédérer et à mutualiser. Il faut changer de regard : chaque territoire doit intégrer dans son avenir le potentiel offert par le numérique, qui n’est pas seulement un accélérateur d’informations mais aussi une clé pour de nouvelles opportunités économiques ou de nouvelles manières de vivre le quotidien.

Pour clôturer, le ministre René Collin a rappelé les enjeux forts portés l’internet THD dans le développement des territoires ruraux et l’importance d’une mutualisation des compétences au sein de la Grande Région. Il a aussi rappelé son soutien à la démarche de R.E.D. et de ses partenaires internationaux de voir un Agenda rural au sein de la programmation européenne post 2020.

Une co-organisation de l’Institut de la Grande Région et Ruralité-Environnement-Développement.

Avec le soutien de la Wallonie, de la Ville de Bastogne et de la Province de Luxembourg.

La brochure est accessible : ici

Les PowerPoint disponibles :

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